En ce temps –là, les ours étaient établis dans un pays où depuis
longtemps, ils avaient leurs habitudes. Les printemps succédaient aux hivers
sans apporter de changement dans leur vi,
à ceci près que chaque réveil apportait de nouveaux oursons, parfois deux par
famille et ainsi la population s’accroissait. Grantours qui voyait ces oursons
grandir, s’aimer, fonder un foyer d’où naissaient au printemps suivant d’autres
oursons, alors que le territoire restait toujours le même, se demanda s’il y
aurait toujours assez de saumons dans la rivière, assez de miel dans les arbres
creux pour nourrir tout ce monde. Il demanda audience au Roi,
mais le roi n’accorda guère d’importance aux observations de Grantours.
Pourtant, quand arriva l’automne, les ours eurent peu de
provisions à amasser dans les cavernes pour passer l’hiver. Et d’ailleurs, cet
hiver-là fut rude ; il fallut se priver pour tenir jusqu’au printemps. Un
printemps qui vit encore naître de nouveau Oursons. Grantours les recensa et
fit aussi le compte des besoins du clan. Il apporta au roi le résultat de ses
travaux : la prospérité du clan était sur le déclin ; il
allait falloir agir.
La reine, voyant son époux soucieux le questionna. Grantours a
raison dit-elle , il faut réunir le conseil. Mais comme souvent, ministres et
conseillers n’arrivaient pas à se mettre d’accord.
Alors on décida de consulter l’oracle et on fit venir les chamans
et leurs tortues.
Il faut, dit l’oracle traverser la rivière. Sur l’autre rive il
existe un territoire où des ours peuvent s’installer et former un nouveau clan.
L’aventure sera difficile ; il faut pour la mener à bien, choisir des
hommes résolus, courageux et un chef déterminé.
Le fils aîné du roi qui n’était pas invité au conseil, du seuil de
la caverne, a tout entendu. Il veut guider l’expédition, mais il ne fait pas
l’unanimité. C’est un garçon sensible, compatissant, toujours prêt à aider les
autres, mais ces qualités sont-elles celles d’un véritable chef ?
Grantours intervient ; le prince depuis longtemps étudie. Il
est désormais ours-médecine et des colons sur un nouveau territoire ont besoin
de quelqu’un qui sache soigner maladies et blessures.
La traversée comme la recherche du bon territoire suivie de
l’installation est longue et pénible. Les ours ont du mal à s’entendre et
encore plus de mal à écouter le prince qui pourtant a souvent raison.
Un jour, deux ours et leur ourson partent en quête de provisions.
L’ourson qui s’est éloigné, reste figé, tremblant : devant lui, un chasseur !
qui l’attrape ; l’ourson crie, les parents accourent mais le chasseur abat
le père d’un coup de fusil et s’enfuit avec l’ourson.
Les ours, alertés par les cris et le coup de fusil, surviennent et
veulent courir après le chasseur pour sauver l’ourson. Mais le prince
intervient et fait preuve d’autorité. Il ne sert à rien d’effrayer un chasseur,
ce qu’il faut, c’est frapper un grand coup ! Et les ours, bien organisés,
ravagent le camp des chasseurs, récupèrent leur ourson et retournent à leurs
cavernes. Ils seront tranquilles pour un bon moment. Les chasseurs ne sont pas
près de venir se frotter aux ours.
L’automne va finir ; les cavernes sont bien pourvues ;
il est temps de pratiquer les rituels au cours desquels le prince sera sacré
roi du nouveau clan. Les ours vont pouvoir s’endormir. A leur réveil, au
printemps, on verra courir de nouveaux oursons …