Un jour, Grantours était allé dans la forêt ;
il avait pris un seau pour ramasser du miel. Soudain à travers les branches il aperçoit
des ours inconnus en train de planter leurs tentes juste aux frontières du clan.
Il s’approche doucement et reconnait les guerriers d’Ours Noir, un conquérant
redoutable, dont la réputation de bravoure et de cruauté n’est plus à faire. Grantours,
inquiet rentre au village et se retire au le Jardin des Ancêtres pour
méditer sur la conduite à tenir. Le Roi il le sait, n’est pas de taille à
résister à Ours Noir si celui-ci veut s’emparer de son territoire.
Grantours demande une audience et raconte
ce qu’il a vu.
« Ours Noir ! s’exclame le Roi.
Mais c’est terrible ! Il est brutal, cruel et nous, nous sommes en paix
depuis si longtemps que nous n’avons pas d’armes ! qu’allons -nous
devenir ?
- Il ne faut pas attendre. Il faut aller
le trouver et lui proposer une alliance ; lui aussi redoute les
braconniers. Offrons-lui de partager nos richesses et notre savoir en échange
de la protection de son armée. Ainsi ni lui ni nous n’aurons plus rien à redouter.
- Tu es sage, comme toujours ! Je
vais aller le trouver.
- Prudence, dit Grantours, s’il vous prend
en otage, tout le plan est fichu. Il faut lui envoyer un ambassadeur.
Le Roi désigne Artus, son ami d’enfance,
son fidèle compagnon. C’est un brave et aussi un sage qui saura se faire
respecter du terrible Ours Noir.
Seulement, Artus vient de se marier ;
il a épousé la belle Ursine qui se voit déjà léchant deux oursons, et lui, le
père leur apprenant à pêcher le saumon, à trouver le miel dans les arbres
creux. Artus refuse la mission et d’ailleurs il ne parle pas la langue des ours
noirs ; s’il ne peut se faire comprendre, c’est l’échec assuré. Que le Roi
et Grantours trouvent un autre ambassadeur.
Grantours sait bien que nul autre qu’Artus
n’est capable d’aborder Ours Noir et de lui faire comprendre l’intérêt d’une
alliance. Le Roi doit insister et lui parler de son devoir ; les affaires
du Royaume doivent passer avant les affaires privées et d’ailleurs, il n’ira
pas seul ; il aura une escorte d’ours bien armés et un interprète.
Artus qui est un ours de devoir accepte finalement
de partir. Il fait ses adieux à son épouse en larmes. A peine mariée, la voilà
seule ; son époux va courir de grands dangers alors qu’ elle n’attend même
pas un ourson.
Artus est triste aussi mais il console
Ursine. Elle ne doit pas s’inquiéter, il sera bientôt de retour et l’ambassade
s’éloigne en direction du camp d’Ours Noir.
Le camp est sens dessus dessous :
l’épouse d’Ours Noir est morte en mettant au monde un ourson et dans ce camp de
guerriers, il n’y a pas de nourrice. Le bébé pleure et Ours Noir enrage. Les
chamans préparent un rituel dans le but de trouver une solution et pour
commencer, ils sortent le chaudron. Il n’y en a qu’un seul dans le camp ;
il sert aux cérémonies comme à préparer la nourriture.
Ours Noir furieux, refuse de recevoir
l’ambassade ; il a d’autres chats à fouetter. Artus insiste et insiste et
chaque fois essuie un refus. En attendant, il ne perd pas son temps ; il
observe, il écoute, il apprend. Que ce bébé qui pleure est l’héritier d’Ours
Noir, qu’il va mourir faute de nourrice. Il voit les chamans préparer leurs
élixirs, puis les cuisiniers qui prennent le chaudron et le nettoient pour
préparer le repas d’Ours Noir.
On fait cuire un faisan, avec des
épices et des aromates. Le fumet est appétissant. Artus s’avance ; il
complimente le cuisinier, demande à goûter le plat qui sent si bon. Le
cuisinier flatté lui tend une grande cuiller. Il la plonge dans le chaudron et
va la porter à sa bouche quand soudain la pluie commence à tomber. C’est une
grosse averse ; tout le monde court vers les tentes et dans la bousculade,
Artus a perdu sa cuiller. Il rentre dans la tente la plus proche ; c’est
celle des chamans. Et là, il aperçoit une
botte d’une certaine plante qu’il connaît bien : elle est extrêmement
toxique. Artus comprend le danger. Il empoigne une hache qui se trouvait là et
bondit vers la tente d’Ours Noir.
Les ours tentent de l’arrêter mais en vain ;
Artus les bouscule et armé de sa hache, il parvient au chaudron dont il brise
les pieds. Il le renverse et répand son contenu à terre. Ours Noir se dresse
furieux, sa voix est comme un tonnerre, tout le monde tremble, la tente aussi.
On se saisit d’Artus. La garde d’Ours Noir est là prête à punir
le crime de lèse-majesté mais Artus demande à la parole. Ours Noir sait qui il
est et le respecte : qu’il se défende s’il le peut.
Artus tient là cette audience qu’il n’a
pas pu obtenir. C’est le Roi qui l’envoie porteur d’un message de paix. La
pluie providentielle, en l’obligeant à rentrer sous la tente des chamans lui a
permis de voir que des ignorants avaient épicé le faisan avec une plante toxique ;
Ours Noir aurait pu en mourir. S’il on le libère, si on le laisse retourner
dans son clan, il fait le serment de revenir très vite avec une nourrice pour
s’occuper de ce bébé qui pleure et ne survivra pas si on ne le nourrit pas
rapidement.
Ours Noir accepte mais il garde en otage les
compagnons d’Artus et lui donne une escorte d’ours à lui qui veillera à ce
qu’il tienne sa parole.
En traversant le pont, qui mène au Royaume
des Ours, Artus voit Ursine en larmes, au bord de la rivière ; elle vient
de constater qu’elle n’attend pas d’ourson. Elle lève la tête et voit Artus et
son escorte. Les deux époux s’embrassent et Ursine sèche ses larmes.
Mais Artus doit encore expliquer au Roi et
à Grantours pourquoi il revient encadré par des adversaires. L’ambassade
aurait-elle échoué ? Artus raconte : le bébé orphelin, le chaudron
renversé…
Le Roi est perplexe mais Grantours est
satisfait : on va pouvoir négocier !
Certes Artus a brisé le chaudron de
cérémonie d’Ours Noir mais pour le remplacer, le roi en signe d’alliance va
offrir un magnifique chaudron avec des anses en or.
Ursine émue par le sort de l’ourson
orphelin propose une des nourrices qu’elle avait engagées puisqu’elle n’en a
hélas, pas besoin.
Artus retourne au camp d’Ours Noir avec
chaudron et nourrice. Une trêve est signée et l’escorte d’Artus libérée.
Pourtant, une trêve n’est pas la paix.
L’été passe et puis l’hiver ; le fils
d’Ours Noir, bien soigné, bien nourri grandit,
beau et vigoureux. Quand le printemps revient, il demande à connaître le clan
de sa nourrice.
Ours Noir accepte et pour signer
l’alliance définitive, il offre à Artus un chaudron aux anses de jade.
Désormais les deux clans sont unis à
jamais. Un grand banquet scelle l’alliance et dans la liesse générale, Ursine
annonce à Artus qu’un ourson ou peut-être deux vont naître au printemps
prochain.